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mpOC | Posté le 14 janvier 2014
Vous trouverez ci-joint notre participation à l’enquête publique au projet de SDER
Voici la lettre d’introduction à la réaction. La réaction complète est téléchargeable ci-dessous.
Objet : Participation à l’enquête publique relative au projet du SDER.
Nous avons lu avec attention le document relatif au projet de SDER (Schéma de développement de l’espace régional). Vous trouverez dans ce document nos remarques relatives à ce document et nous espérons que celles-ci permettront d’améliorer le projet.
Tout d’abord sur la forme, nous nous posons la question de l’utilité pratique de ce document lorsque, en partie II, sous le paragraphe « Des objectifs au service du bien-être des citoyens, de la vitalité des entreprises et de la cohésion sociale », nous lisons « Les objectifs du SDER ont une portée d’orientation. A ce titre, ils ne constituent pas des principes de droit dont la violation pourrait être invoquée à l’appui d’un recours contre des décisions de nature individuelle pour en obtenir l’annulation. » A quoi et à qui ce document sert-il ?
Sur la forme, ce document manque de cohérence, les différences entre les constats et les projets, les différences entre les mesures à prendre et les mesures déjà réalisées ne sont pas aisées à distinguer.
Sur le fond, nous rejoignons les différents constats et certaines mesures qui sont mises en avant dans le document, notamment :
La prise en compte des nombreux logements vides, notamment dans les zones de villes, au-dessus des commerces (partie II, objectif I.2.d),
Une ouverture timide aux habitats alternatifs (partie II, objectif I.4.b et partie III paragraphe II.1), aux logements intergénérationnels (partie II, objectif I.6.c),
le souhait de limiter la spéculation immobilière sur les terrains (partie II, objectif I.3 b. et partie IV, mesure U.5),
La relocalisation des activités économiques (partie II, objectif I.5.)
Toutefois, nous regrettons fortement que ce projet n’ait pas l’ambition de se projeter dans un monde futur aux enjeux sociétaux inédits (fin des énergies fossiles bon-marché, fin de la mobilité individuelle aisé, etc) qui tiendraient compte des réalités physiques de notre planète pour lesquels il est déjà constaté les conséquences, entre autre, notre empreinte écologique non-soutenable (actuellement, si tout le monde vivait comme le Belge, nous aurions besoin de 2,4 planètes (données de 2008, Global Footprint Network, www.footprintnetwork.org dont on voit déjà actuellement les débuts de mécanismes).
Ainsi, lorsqu’on lit « La conception et la production de biens de consommation et de produits semi-finis restent un fondement indispensable de toute création de richesse. »(Objectif II.4 paragraphe (a), on ne peut que constater un manque de vision et un ancrage de la politique menée depuis l’après-guerre qui ne tient absolument pas compte des limites du modèle de croissance économique classique.
A fortiori, nous regrettons plusieurs options majeures qui ne lient pas les objectifs aux résultats :
Le premier exemple symptomatique est celui de la liaison ferroviaire de l’aéroport de Charleroi. Cette liaison est suggérée à l’objectif (III.1 .d) et indiquée au paragraphe (c)mobilité de la partie III, chapitre II, ainsi que sur la carte de la page 78. Pourtant, elle n’est accompagnée d’aucune étude ou référence d’étude justifiant l’utilité de développer une liaison ferroviaire vers un aéroport dont on sait que, à cause du pic du pétrole (et donc du kérosène), le modèle économique n’est pas viable à relativement court terme. Il convient donc de supprimer toute référence à la réalisation d’une desserte ferroviaire à l’aéroport de Charleroi, ou d’indiquer la réelle plus-value d’un projet similaire pour l’ensemble de nos citoyens.
Le deuxième exemple symbolique est la liaison CHB (Cerexhe-Heuseux / Beaufays) qui s’auto-justifie via le projet de SDER, sans aucune référence, par exemple au point Objectifs III.1 a (extrait « les réseaux routiers des régions voisines et d’autre part avec les autres modes de transport. Les sections problématiques du réseau routier qui ne pourront pas être assainies ou dédoublées par des modes de transports collectifs structurants, pourront conduire à réaliser des contournements. L’objectif est de structurer et d’optimiser les échanges routiers. » et à la carte à la page 70. D’autres projets (auto)-routiers similaires indiqués au paragraphe III.1 de la partie III sont également discutables et nécessitent des études plus détaillées avant d’être mis dans un outil comme le SDER. Notons également qu’il est plus que surprenant que dans un document qui se veut général, on place des projets aussi précis.
Un autre point concerne la réindustrialisation. A la partie II, pilier II, il est noté « La Wallonie s’inscrit dans le mouvement de réindustrialisation notamment en améliorant les conditions d’accueil des industries et des filières économiques ». De quelle réindustrialisation parle-t-on ? Comment est-ce compatible avec les objectifs de protéger les ressources et le patrimoine culturel et paysager ?
En outre, différentes notions sont, pour nous, insuffisamment développées pour apporter quelque chose :
partie II, pilier I « Répondre aux besoins des citoyens en logements et en services et développer l’habitat durable », qu’entend-on par « augmentation des inégalités territoriales » ?
partie III, encart ‘agriculture’ : « le modèle prôné par la Wallonie est celui d’une agriculture écologiquement intensive, qui aura plus que jamais besoin d’espaces. » Qu’est-ce donc une agriculture écologiquement intensive ? Pourquoi ne pas mettre « intensive » sans « écologiquement », ou, ce qui nous semble plus porteur dans un monde où les engrais issus des produits pétroliers tendront à disparaître, « biologique et garantie sans OGM » ?
Partie III, paragraphe III.8, qu’entend-on par « transition énergétique ». Pourquoi minimiser notre obligation à changer radicalement nos modes de vie face au pic des matières premières, notamment du pétrole ?
Nous regrettons également que certaines mesures-phares ne sont que suggérées et qu’il n’y a aucune mesures concrètes mise en avant :
La limitation de l’étalement urbain, même si son principe est mis en avant à de nombreux endroits, n’est accompagnée d’aucune mesure d’effet immédiat. Une mesure, autant symbolique que pouvant apporter des améliorations réelles en terme d’économie d’énergie que d’économie de terrain, doit être mise en avant : l’interdiction de la construction de villas 4 façades.
La spéculation foncière sur les terrains, en particulier les terrains agricoles mais aussi les terrains industriels, n’est pas combattue, malgré la volonté de soutien de l’agriculture noté à l’objectifs II.7.a. Le principe du propriétaire travaillant lui-même sa terre n’est pas mis en avant, d’aucune manière que ce soit. L’accès des agriculteurs à la terre n’est pas encouragé.
La réduction de nos consommations énergétiques, qui devient « une utilisation modérée de l’énergie », derrière laquelle il est permis de tout faire. Il convient d’indiquer des objectifs plus ambitieux, à l’aide d’objectifs chiffrés.
En outre, plusieurs contradictions, ou du moins plusieurs oppositions, font partie de ce texte. Ces oppositions permettent d’argumenter tout et son contraire lors de futurs aménagements urbanistiques :
Le choix du mode de transport privilégié. Il est indiqué, à la « partie II, pilier III « mieux aménager le territoire pour permettre le développement de transports durables », « Le trafic sur le réseau routier doit être fluidifié et la sécurité routière améliorée (III.2). Il est nécessaire de développer le rail et la voie d’eau (III.3). »
Les infrastructures exceptionnelles (partie III, chapitre I, §I.2 pôles), où il est noté que, d’un côté, les équipements exceptionnels doivent être placés dans les pôles majeurs et la capitale régionale, (Un pôle majeur et la capitale régionale devraient pouvoir offrir des services et équipements répondant à des besoins plus exceptionnels tels qu’un centre hospitalier, un centre de congrès, un hall d’exposition, …)
mais, juste après, il est noté qu’on peut mettre ces équipements autre part (Cela ne veut pas dire par ailleurs que l’un ou l’autre de ces équipements ne peut pas être renforcé ou implanté en dehors de ce maillage.).
Quant à la participation citoyenne, elle devient portion congrue par rapport à la version du SDER précédente. Si les participations citoyennes se sont souvent résumées à des phénomènes de Nimby, ce n’est pas en supprimant fortement les mécanismes de participation citoyenne qu’on va rapprocher le citoyen de l’aménagement du territoire. Il y a donc une étude sérieuse à faire sur les méthodes de participation citoyenne, tout à fait à l’opposé d’une suppression de celle-ci.
Enfin, le point sur lequel nous souhaitons le plus certainement que le texte soit adapté, concerne le mythe du développement durable, notion qui est présentée lorsqu’on ne souhaite pas modifier complètement notre comportement mais bien ponctuellement avoir de légères adaptations (« polluer moins pour polluer plus longtemps »). Ainsi, la prise en compte du développement durable n’a pas permis de diminuer notre empreinte écologique. Une définition symptomatique de ce contexte vague que permet la définition du développement durable se retrouve dans la définition du quartier durable (partie IV, mesure U7) - Un quartier durable est un quartier nouveau ou en rénovation qui, par sa localisation, les fonctions qu’il abrite, la gestion de la mobilité, la conception de l’urbanisme, de l’architecture et des aménagements, minimise les impacts sur l’environnement, favorise le développement économique, renforce la cohésion sociale et la qualité de vie- par laquelle n’importe quel projet peut être qualifié de « durable » moyennant quelques aménagements mineurs.
Nous suggérons à la partie I, § « Cinq principes », d’indiquer à la place de « 2° « Le principe d’attractivité socio-économique et de compétitivité territoriale » selon lequel il convient de créer les conditions territoriales du développement d’une économie compétitive et dynamique capable d’une croissance durable et accompagnée d’une amélioration quantitative et qualitative de l’emploi ; », « 2° « Le principe de limitation de notre empreinte écologique et la nécessité de développer notre économie en admettant que la croissance économique infinie dans un monde fini est une aberration ; »
Bref, le SDER, dans son objectif d’être un outil utile à la planification territoriale et à l’urbanisme de la Wallonie de ces prochaines années manque d’ambition et de mesures résolument marquée vers l’avant, tenant compte des constats que toutes les études prospectives prévoient : diminution de l’énergie bon-marché (pétrole, etc), dérèglement climatique, etc. La diminution de notre empreinte écologique n’est pas prise en compte. Cet outil, de manière plus ou moins affirmée, permet d’auto-justifier a posteriori des dossiers d’aménagement du territoire difficiles à faire passer auprès de la population. Dans un outil qui doit nous servir dans les prochaines années, il convient d’aller résolument vers une politique urbanistique ambitieuse et non une politique d’aménagement partiel de la situation actuelle où les idées restent trop vagues pour passer outre d’une politique conservatrice. L’avenir urbanistique de la Wallonie est à ce prix.
Pour le Mouvement politique des objecteurs de croissance (mpOC),
François Lapy,
114, avenue Demolder,
1342 Limelette,
francois_lapy@hotmail.com
Annexe :
adaptation du projet de SDER points par points